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GESTATION POUR AUTRUI

Le 16 janvier 2017
GESTATION POUR AUTRUI
La CEDH revoit sa copie
Gestation pour autrui : la CEDH revoit sa copie
 

La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a fait droit à la demande de l’Italie dans le cadre de l’éloignement d’un enfant né par GPA, celle-ci étant contraire à l’ordre public. Ce faisant, elle infirme la position de la CEDH sous l’angle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière d’absence de tout lien biologique entre l’enfant et les requérants.

 
 
 

En l’espèce, Mme Paradiso et M. Campanelli sont époux et requérants dans cette affaire. En décembre 2006, ils ont obtenu l’agrément à l’adoption qui excluait l’adoption d’un enfant en bas âge d’après les juridictions nationales. Puis, ils ont recouru à la gestation pour autrui (GPA) en Russie. Par le biais d’une société russe, ils eurent recours à une mère porteuse contre rémunération. Après une fécondation in vitro réussie, l’embryon fut implanté le 19 juin 2010. L’enfant naquit le 27 février 2011 à Moscou. Au mois d’avril 2011, les requérants emmenèrent l’enfant en Italie grâce aux documents délivrés par le consulat d’Italie à Moscou et conformes à la loi russe. À leur arrivée en Italie, la municipalité italienne auprès de laquelle ils se présentèrent refusa l’enregistrement du certificat de naissance au motif qu’il aurait été basé sur de fausses données. Le 5 mai 2011, Mme Paradiso et M. Campanelli furent mis en examen pour « altération d’état civil » et infraction à la loi sur l’adoption pour avoir emmené l’enfant en Italie au mépris des lois italiennes et internationales. En août 2011, un test ADN révéla que M. Campanelli n’était pas le père biologique de l’enfant, ce qu’ignoraient les requérants. Le tribunal pour mineur décida d’éloigner l’enfant et de le mettre sous tutelle. L’enfant fut laissé sans identité et sans contact possible avec les requérants alors qu’il avait déjà passé six mois avec eux. En janvier 2013, l’enfant fut placé dans une famille d’accueil. En avril 2013, le refus de transcription du certificat russe fut confirmé car contraire à l’ordre public. L’enfant reçut une nouvelle identité et fut considéré comme fils de parents inconnus. Le 5 juin 2013, le tribunal pour mineur décida que les requérants n’avaient plus intérêt à agir dans la procédure d’adoption entamée, étant donné qu’ils n’étaient ni les parents biologiques ni membre de la famille de l’enfant. La CEDH constate, cependant, dans ce premier arrêt du 27 janvier 2015, sous l’angle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, que celui-ci est applicable en l’espèce en ce qui concerne le droit de transcription d’un certificat de naissance étranger et que, de fait, il y a eu non-respect de la vie privée et familiale des requérants dû à l’éloignement et à la mise sous tutelle de l’enfant (CEDH, 27 janv. 2015, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c. Italie, Dalloz actualité, 20 févr. 2015, obs. V. Lefebvre  ; D. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts  ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat  ; AJ fam. 2015. 165, obs. E. Viganotti  ; ibid. 77, obs. A. Dionisi-Peyrusse  ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon  ; RTD civ. 2015. 325, obs. J.-P. Marguénaud ).

L’arrêt définitif rendu par la grande chambre, qui statuait pour la première fois sur ce sujet, constitue un revirement de jurisprudence en la matière. En effet, contrairement à la France qui avait entériné cinq décisions de la CEDH depuis deux ans (v. Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21.323 et 3 juill. 2015, n° 15-50.002, Dalloz actualité, 7 juill. 2015, obs. R. Mésa  ; D. 2015. 1819, obs. I. Gallmeister , note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon  ; ibid. 1481, édito. S. Bollée  ; ibid. 1773, point de vue D. Sindres  ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire  ; ibid. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot  ; ibid. 857, obs. F. Granet-Lambrechts  ; ibid. 915, obs. REGINE  ; ibid. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke  ; AJ fam. 2015. 496  ; ibid. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2015. 885, et la note  ; RTD civ. 2015. 581, obs. J. Hauser ), l’Italie avait saisi la grande chambre.

La CEDH constate qu’en l’absence de tout lien biologique avec l’enfant, il y a eu non-violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La fin de la relation entre les requérants et l’enfant est la conséquence de la précarité juridique qu’ils ont eux-mêmes donnée aux liens en question en adoptant une conduite contraire au droit italien et en venant s’installer en Italie avec l’enfant. Les autorités italiennes ont rapidement réagi à cette situation en demandant la suspension de l’autorité parentale et en ouvrant une procédure d’adoptabilité. Pour la CEDH, accepter de laisser l’enfant avec les requérants serait revenu à légaliser la situation créée par eux en violation de règles importantes du droit italien. Elle admet donc que les juridictions italiennes, ayant conclu que l’enfant ne subirait pas un préjudice grave ou irréparable en conséquence de la séparation, ont ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, tout en demeurant dans les limites de la marge d’appréciation dont elles disposaient.